10 juin 2024
Erwan Lecoeur, sociologue et politologue, spécialiste de l’extrême droite, est venu à Sceaux pour nous expliquer pourquoi les idées antirépublicaines de l’extrême-droite se propagent et en quoi elles sont dangereuses. Comment agir pour éviter la défaite de la pensée démocratique porteuse de libertés, d’égalité et de fraternité ?
Plus de cinquante personnes ont participé, jeudi 17 février 2022 à l’Ancienne mairie de Sceaux, à la soirée débat avec Erwan Lecoeur et Liliane Wietzerbin, conseillère municipale de Sceaux, autour du thème : Résister à la tentation populiste. Deux heures de conférence et d’échanges. Une analyse sociologique captivante. Un décryptage pertinent de la situation politique. Un débat stimulant. Une invitation à ne pas baisser les bras et à agir, notamment au niveau local.
Les deux formes de « populisme »
La précision sur les deux formes du terme « populisme », exposé par Erwan Lecoeur, est tout à fait pertinente. La première forme distingue les personnes selon leur identité, le populisme favorisant alors une certaine typologie de population, selon leur nationalité, leur religion, leur origine ethnique. La deuxième forme fait référence au concept de classe, le populisme désignant le fait de favoriser le « peuple », la classe populaire, plutôt que les élites et les nantis. C’est la focalisation des différences fondées sur l’identité que portent les discours actuels de l’extrême-droite.
La gauche, qui vise à réduire les inégalités, peut aussi se dire « populiste » dès lors qu’elle défend les classes populaires. Mais le terme est aujourd’hui largement dévoyé et négativement connoté. Les partis de gauche préfèrent de loin défendre les notions de solidarité et de justice sociale.
Populisme et régime autoritaire conduisent à la violence
Le populisme ethnique, explique Erwan lecoeur, est lié aux régimes autoritaires ou fascistes.
Car la défense des identités et des origines est utilisée pour privilégier une certaine catégorie de population (ex. les français de souche) et pour tenter de la fédérer contre les autres.
Si ce ne sont pas les qualités d’une personne, son mérite, son parcours, qui fondent sa place dans la société mais uniquement son identité, alors sont niées par essence les valeurs d’égalité (tous les hommes sont égaux) et donc de justice, de citoyenneté et de processus démocratique. Cela conduit inexorablement à l’autoritarisme et à la violence.
L’antifascisme de l’écologie politique
Ce que l’on appelle l’écologie politique, ou l’écologisme, est née de l’écologie comme discipline scientifique. C’est en partant du constat scientifique que c’est élaboré un courant politique écologique. Et aujourd’hui ce mouvement prône une transformation globale du modèle économique et social pour construire une société plus durable.
Les écologistes sont avant tout antiproductivistes, ils opposent la production illimitée au progrès humain. En ce sens, toutes les logiques productiviste, capitalisme libéral ou étatique, sont condamnables à leurs yeux. A noter, comme l’a rappelé Erwan Lecoeur, que les écologistes ne sont pas contre le progrès, contre la science, ils défendent la modernité (l’intérêt général, la raison, la recherche…) contre le conservatisme, le traditionalisme, l’ordre naturel.
Ceci conduit aussi les écologistes à être antifascistes dans le sens où ils pensent que la transition écologique ne pourra se faire que dans le cadre d’une démocratie renouvelée, plus proche des citoyens, plus participative.
Sociaux écologistes, libéraux républicains, droite identitaire.
Notre territoire, Sceaux, le sud du département, mériteraient certainement des politiques publiques mieux en adéquation avec la transition écologique qui s’impose. Et on ne peut qu’espérer aussi que nos élus locaux attachent une plus grande importance au social, à la santé et à cette démocratie de proximité sans laquelle aucun changement ne sera possible. C’est là toute l’ambition de l’association Sceaux en commun. Mais, il faut aussi porter sur le terrain les valeurs qui fondent notre démocratie.
Erwan Lecoeur recense une tripolarisation du champ politique avec une sociale écologie, sans expression politique forte mais majoritaire sociologiquement, un courant libéral-républicain révélé par Macron, et une droite identitaire assez forte « dont Marine Le Pen est chef de la bande« . Mais aujourd’hui, Erwan Lecoeur reconnaît que « la dynamique européenne va aider le RN à progresser » et qu’une certaine droite et l’extrême droite sont compatibles.
Notre système électoral impose l’union de la gauche pour éviter l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite
Mais pour cette droite identitaire, atteindre 300 élus à l’Assemblée nationale, face à des candidats macronistes et des candidats de gauche unie, ce n’est pas certain. On pourrait s’orienter vers une tripartition du champ politique à l’Assemblée nationale. Une sorte d’équilibre des forces qui rendra le pays difficile à gouverner ou à réformer. « Ce qui correspond bien à l’ambiance de chaos qui règne ces temps ci ». Mais il faut tenir compte de notre système électoral. Au-delà d’un certain essentiel pour faire barrage à l’extrême droite.