Elle a 25 ans, elle a grandi à Sceaux, elle s’est engagée pour la cause des réfugiés, elle a passé un an à Calais. Sandra Caumel revient sur les étapes de sa mobilisation.
Saluons l’engagement de Sandra Caumel, qui fut candidate du collectif citoyen sur la liste Sceaux en commun aux élections municipales de 2020. De nombreux jeunes scéennes et scéens ont la fibre citoyenne et expriment leur intérêt et leur empathie envers les autres. Ils s’activent, se mobilisent spontanément pour lutter contre des situations qui les indignent.
D’où vous vient votre engagement pour les migrants ?
Sandra – Ma scolarisation à Sceaux, à l’école des Blagis puis au collège et au lycée Lakanal, y est sûrement pour quelque chose. Ces établissements, et la ville elle-même de façon plus large, ont la particularité d’être très mixtes socialement. Les moins favorisés y côtoient les plus aisés et cela m’a vite permis de prendre conscience des différences de niveau de vie et de bagage culturel. Les amis dont les parents parlaient mal français, très éloignés de notre système scolaire, partaient avec moins de chance que moi et je me suis sentie pleine d’empathie pour eux. Et quand j’étais au lycée, l’aggravation de la crise syrienne, a aussi joué un rôle déclencheur dans ma volonté d’agir pour les migrants qui arrivaient plus nombreux en France et dans des conditions très difficiles.
La photo du petit Aylan, 3 ans, trouvé mort sur une plage de Turquie, a été un électrochoc. Mais à l’époque, je me suis dit que je ne pouvais rien faire en tant que mineure inexpérimentée. Si j’ai un peu milité dans de petites associations locales (le Tremplin Lycéen, les Virades de l’Espoir contre la mucoviscidose..), je me suis surtout décidée à faire du droit à ce moment-là, compétence qui me semblait essentielle pour défendre ces populations.
Mais votre engagement militant n’a-t-il pas commencé à Sceaux ? Comment vous êtes vous lancée dans la vie militante ?
Sandra – Au début de mes études, la somme de travail m’a complètement absorbée. Je sentais que je devais d’abord me former et c’était très enthousiasmant. J’étais sûre que la connaissance du droit– et de le faire connaître aux plus démunis dans un second temps – garantissait la justice et l’équité, ce qui s’est avéré plus incertain sur le terrain par la suite… J’ai attendu d’être en Master II pour m’investir en tant que bénévole, au sein de l’association Utopia 56 à Paris. Il s’agissait d’assurer l’accompagnement de migrants, hébergés ponctuellement par des familles d’accueil, et de les aider dans leurs démarches administratives.
A la fin de mon cursus universitaire, j’ai décidé de partir pour un stage de 6 mois à Calais, au sein de l’association L’Auberge des Migrants, en intégrant le programme Human Rights Observers (HRO), né en 2017 après le démantèlement de la « jungle », dans le but de rendre compte des atteintes aux droits humains. J’y suis restée encore 6 mois en tant que bénévole de La Cabane Juridique, une autre association assurant des permanences sur l’accès au droit pour les personnes exilées.
Qu’avez-vous vu sur place, à Calais, qu’est-ce qui vous a le plus indigné ?
Sandra – J’étais bien loin du cocon scéen ! Ma mission d’observation ma permis d’assister à des descentes de CRS, de gendarmes, de policiers, venant expulser quasi quotidiennement, des familles installées sur de petits campements. Ils n’hésitaient pas à gazer, à lacérer les tentes, à prendre les sacs de couchage et de nourriture qu’ils mettaient à la benne… Parents et enfants devaient partir en pleine nuit, même en hiver par moins 10°, en n’emportant qu’un baluchon. C’était totalement illégal et nous devions récolter des preuves, filmer et dénoncer ces dérapages répétés.
« Loin du cocon de Sceaux, Calais m’a enlevé ma naïveté sur le seul pouvoir du droit. Il faut lutter sans relâche pour le faire valoir. »
La crise sanitaire a tout compliqué car les policiers se sont servis des restrictions pour nous verbaliser et nous menacer d’emprisonnement, alors que notre statut (attestations à l’appui) nous autorisait à circuler. Nous avons contesté ces amendes, mais vu le climat sécuritaire, il n’est pas certain que nous obtenions gain de cause. Très peu d’actions et de plaintes déposées en faveur des migrants aboutissent.
C’est assez décourageant, mais j’ai pu observer que la mobilisation citoyenne avait un réel effet positif. Sans les associations locales, ces personnes sans ressources ne mangeraient et ne se soigneraient tout simplement pas, sans même parler de l’importance de la défense de leurs droits. Car il faut opposer des limites à ces descentes continues des forces de l’ordre, agissant à Calais comme dans une zone de non-droit. C’est inquiétant pour nous tous !
Pensez-vous aller encore plus loin dans votre combat citoyen ?
Sandra – Très peu de militants tiennent plus de 6 mois sur le terrain et comme beaucoup, j’ai donc fini par en partir, gagnée par l’épuisement émotionnel, mais également pour des raisons économiques car je dois gagner ma vie. Je suis actuellement en recherche d’emploi sur Strasbourg, où j’ai rejoint mon compagnon. J’espère trouver un poste dans un Centre d’Accueil de demandeurs d’asile (CADA) ou d’hébergement d’urgence (HUDA), et je compte aussi passer le concours du barreau en septembre. C’est sûr, je vais rester engagée.
Que conseillez-vous aujourd’hui aux jeunes qui veulent s’engager ?
Sandra – S’il peut être difficile, et même assez violent, de s’investir directement au contact du public en grande détresse des migrants, tant qu’on est lycéen et mineur, rien n’empêche de se mobiliser très jeune pour d’autres causes comme le climat, en rejoignant les manifestations et dans les comportements de tous les jours. Car il y a convergence des crises migratoire et climatique. Celle de l’environnement ne peut qu’amplifier les mouvements de migrants chassés de chez eux par les catastrophes naturelles, qui elles-mêmes exacerbent les conflits armés partout dans le monde. Et la mobilisation peut commencer à Sceaux !
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