Le débat d’orientation budgétaire 2024 a permis de mesurer les forces et les faiblesses de la politique municipale. Ce fut l’occasion pour Liliane Wietzerbin, conseillère municipale, de tracer des perspectives plus ambitieuses pour notre ville.
Cela s’appelle le DOB ; le débat d’orientation budgétaire. Par ce document, la municipalité doit présenter au Conseil municipal, au moins deux mois avant le vote du budget, la situation financière de la ville et ses orientations stratégiques en regard des contraintes économiques et de la politique gouvernementale. A Sceaux, jeudi 8 février dernier, les élus municipaux ont tenu deux heures durant le débat d’orientation budgétaire 2024 portant sur les dépenses de fonctionnement de la ville, ses investissements et sa dette, en préalable au vote du budget programmé lors de la séance du conseil municipal du 28 mars.
Année après année, la majorité municipale reprend les mêmes argumentaires et projette les mêmes conclusions. Le dérèglement climatique, la crise environnementale, l’inflation et la dégradation de la situation sociale, la politique gouvernementale qui réduit les moyens donnés aux collectivités locales, autant de contraintes qui ne modifient pas l’objectif de la majorité municipale : « maintenir un niveau de dépenses de fonctionnement », « poursuivre les principaux investissements pluriannuels » et « stabiliser l’encourt de la dette ».
Et en effet, a rappelé Liliane Wietzerbin, conseillère municipale n’appartenant pas à la majorité, les contraintes financières qui affectent le budget de la ville sont importantes. « La dotation de l’État aux collectivités (DGF), non indexée sur l’inflation s’amenuise chaque année un peu plus. La suppression par les gouvernements du Président Macron de la taxe d’habitation ne laisse plus aux maires que la taxe foncière comme marge de manœuvre ou bien l’augmentation des tarifs des services publics. Et l’endettement élevé, avec le renchérissement des taux, pèse lourdement dans le budget ».
II est possible de faire des économies sans impacter le niveau des services publics de la ville
Il est temps de modifier les priorités budgétaires établies il y a de nombreuses années. Et de regarder quelles peuvent être les dépenses de fonctionnement qui pourraient être évitées sans affecter le niveau des services publics de la ville. Prenons deux exemples.
Les dépenses énergétiques. L’impact des prix de l’énergie sur les finances de la ville est mentionné à toutes les pages du rapport présenté. Or la municipalité ne prend toujours pas en compte des mesures simples, qui auraient de surcroît des impacts positifs. Par exemple, pourquoi ne pas adopter l’extinction partielle de l’éclairage public au cœur de la nuit. Cela serait bénéfique pour les finances, pour la biodiversité, pour la santé humaine et serait par ailleurs sans impact sur l’insécurité, comme le montre les retours des nombreuses villes qui la mettent en œuvre. Mais pas même une expérimentation n’est évoquée.
Les caméras de vidéosurveillance. La municipalité continue de déployer des caméras de vidéosurveillance. Elles sont onéreuses en matériel et en ressources, et monopolisent de nombreux agents de la police municipale. Or la ville n’est pas capable de démontrer leur utilité par le nombre de délits évités ou d’agresseurs retrouvés. Des études publiées récemment démontrent d’ailleurs de nouveau l’impact infime sur les agressions ou incivilités. Il serait ainsi largement plus efficace de poursuivre les actions de prévention dans les quartiers, via plus de médiateurs sociaux ou des gardes urbains, et de lutter contre les violences intra familiales contre lesquelles les caméras sont impuissantes.
Le choix controversé de certaines dépenses d’investissement
Rénover les équipements publics comme l’espace sports et santé place des Ailantes ou l’école du Petit Chambord, construire une nouvelle crèche rue Houdan, voilà des investissements prévus en 2024 qui semblent nécessaires.
Mais pourquoi ne pas étaler un peu dans le temps le programme d’enfouissement des lignes électriques pour privilégier d’autres investissements plus essentiels ou réduire la dette ? Et comment justifier d’investir près d’un million d’euros pour l’installation d’une troisième bulle de tennis sur le site de la rue de l’Yser. Un équipement par ailleurs peu subventionné, qui profite certes à quelques joueurs en hiver mais dont le bilan énergétique est désastreux. Et la ville poursuit le programme d’investissement conséquent dans la rénovation de l’église Saint Jean-Baptiste, chantier qui aura couté déjà près de 12 millions d’euros. Cette année encore, la ville compte dépenser plus de 200 000 €, notamment pour la mise en lumière du parvis.
Ce qui me frappe, c’est vraiment le manque d’ambition de la politique municipale.
Liliane Wietzerbin
Dans son intervention lors du dernier Conseil municipal, Liliane Wietzerbin a toutefois souligné les points positifs de la gestion actuelle, la politique familiale, l’accompagnement des seniors, la politique culturelle, le soutien aux associations, à la MJC, au CSCB. « Je souligne également, a-t-elle déclaré, le respect des quotas SRU avec 25% de logements sociaux et la politique de maitrise du bâti destinés aux commerces. Mais ce qui me frappe, c’est vraiment le manque d’ambition. Or il est possible d’être ambitieux pour notre ville, même dans un environnement financier contraint ».
Lors du Conseil municipal du 8 février dernier, l’intervention de Liliane Wietzerbin, reprise ci-dessous, fut écoutée et remarquée même si peu de réponses lui ont été apportées par le maire.
Manque d’ambition sur le quartier des Blagis
« Vous mentionnez la feuille de route des Blagis. Pardonnez-moi, mais de quelle route parlez-vous ? Les actions menées ne sont pas négligeables, je le reconnais volontiers, mais elles restent ponctuelles. Je constate aussi, avec regret, que des évènements, comme les Nocturnes des Blagis ou Tous ensemble aux Blagis, donnent des signes d’essoufflement. Faut-il donc vraiment les maintenir en l’état en 2024 ? Il y a d’autres leviers d’action pour développer l’animation du quartier. Par exemple, les espaces verts, dont finalement les habitants profitent assez peu, ne pourraient-ils pas mieux être utilisés ? N’y a-t-il pas un mode de fonctionnement à inventer avec l’office HLM et la ville à ce sujet ? Des locataires ont exprimé l’idée d’un terrain de boule dans le quartier, pourquoi ne pas s’en saisir ? Rien de tout cela dans les propositions de la municipalité.
Par ailleurs, la feuille de route des Blagis, supposément construite via un exercice de concertation, aurait dû être un moyen de mieux associer les habitants. L’équipe du CSCB et ses 70 bénévoles font un travail extraordinaire et impulsent une dynamique essentielle pour le quartier, mais même si le CSCB représente pour beaucoup le véritable cœur des Blagis, il ne peut hélas pas tout.
Associer les habitants, c’est essentiel car la suppression du bureau de poste, le dysfonctionnement du distributeur de billets, les événements de fin 2022, ont jeté nombre d’habitants et de commerçants de ce quartier dans le désarroi et ont développé encore le sentiment d’abandon. Il est absolument nécessaire de travailler sur une perspective à long terme, de définir une vision à 3, 5, 10 ans pour le quartier. Le centre-ville bénéficie d’un projet d’urbanisme structurant, qu’on peut ou non soutenir mais qui projette la ville dans un nouvel avenir. Aux Blagis, rien, si ce n’est des travaux d’isolation des bâtiments ou de rénovation de la place réalisés par l’Office HLM – et après ?
Le rapport que vous nous présentez ne mentionne même pas que le quartier des Blagis viennent d’être classés parmi les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C’est un signe des difficultés qu’il traverse, mais c’est aussi une opportunité extraordinaire pour développer une transversalité entre les quatre villes (avec Bagneux, Fontenay et Bourg-la-Reine), elle doit être saisie. »
Manque d’ambition sur la politique d’urbanisme
« La population scéenne est stable depuis les années 70 et maintenant vieillissante alors que les villes du territoire se sont développées et ont accueilli de nouvelles familles. En nombre d’habitants, un léger rattrapage est en train de s’opérer à Sceaux et ce n’est pas forcément une catastrophe. Un développement maîtrisé est de nature à amener une dynamique positive avec un renouvellement et un rajeunissement de la population.
Mais les plans d’urbanisation doivent être réfléchis et maitrisés. Les pouvoirs publics doivent avoir leur mot à dire et être en capacité d’orienter les projets d’aménagement et la nature des futurs commerces. Les Scéens sinon risquent de souffrir des conséquences d’une végétalisation insuffisante, d’une circulation automobile et d’espaces consacrés au stationnement trop importants, d’une affluence dans les transports publics déjà surchargés..
Là aussi, sur un sujet aussi important j’ai été surprise de ne rien trouver dans les orientations municipales. L’impression donnée est que la ville subit plutôt que d’anticiper. Exception faite du programme de la place Charles de Gaulle, les nouvelles constructions émergent de manière désordonnée et sans maîtrise.»
Manque d’ambition sur les transports et les mobilités douces
« Pas un mot sur les transports et les mobilités douces dans la présentation faite par la municipalité. Or nous manquons de pistes cyclables à Sceaux, et on ne voit toujours pas sur ce point quelle est la vision de la ville. De même pas de perspectives concernant les transports en commun. Par exemple sur le Paladin, il serait temps de reconnaître qu’il y a des dysfonctionnements et d’indiquer comment la ville agit pour y remédier.»