L’idée de fusionner Sceaux et Bourg-la-Reine vient de surgir brutalement et semble bien mal posée. Vrai projet ou coup politique ? Est-ce envisageable et possible ? Quels avantages et inconvénients ?
C’est soudainement, par un coup de communication politique bien orchestré, que les maires de Bourg-la-Reine et de Sceaux ont annoncé leur idée d’un rapprochement entre les deux villes. Un édito commun, signé des deux maires, publié en novembre dans Sceaux mag et dans le journal municipal de Bourg-la Reine, dévoile cette volonté d’approfondir la collaboration entre les deux villes.
Peu après, une majorité du Conseil municipal de Bourg-la-Reine a voté contre la délibération présentée par son maire permettant de fusionner avec Sceaux le poste de directeur des services. Et au conseil municipal de Sceaux, la même délibération a été retirée. Le rapprochement entre Sceaux et Bourg-la-Reine a ainsi été stoppé. Mais revenons sur cette idée qui a fait flop.
Voilà que notre maire imagine la fusion de Sceaux avec Bourg-la-Reine. Ensemble les deux villes deviendraient une seule commune nouvelle. Une idée que les deux élus confirment dans une interview au Parisien du 9 novembre 2022. Voilà que les partis politiques locaux ferraillent autour de cette idée, assurés qu’ils en tireront avantage lors des prochaines élections. Les uns -la majorité municipale- laissent entrevoir la fusion de nos communes, les autres – LR – appellent à un référendum local ou – En Marche – demandent que le maire s’engage à ce qu’aucune fusion n’intervienne avant les prochaines élections municipales de 2026.
Mais lors du Conseil municipal de Bourg-la-Reine de décembre, le maire est mis en minorité sur cette question. Et peu après, lors du conseil de Sceaux, le maire a retiré in extremis la délibération sur la mutualisation des services.
Que penser d’une fusion Sceaux – Bourg-la-Reine, idée si brutalement apparue et si mal posée.
Observons d’abord que la fusion de communes n’est pas la seule manière de coopérer entre deux villes. Mais c’est certainement la plus complexe à mettre en œuvre et la plus longue à construire. Car une commune nouvelle, créée par la fusion de plusieurs communes, remplace les communes fusionnées et devient la collectivité territoriale disposant de toutes les compétences communales. Les anciennes communes ne sont alors que des communes déléguées dont les éventuelles compétences sont consenties par le maire de la commune nouvelle.
Observons ensuite que les fusions de communes sont rares, moins de 800 communes nouvelles sont nées depuis la loi de 2010 qui les a rendues possibles. Il s’agit presque exclusivement de communes rurales, souvent de moins de 1000 habitants, ou de villes centre qui ont absorbé de petites communes limitrophes, comme lorsque Evry a absorbé la petite commune de Courcouronne. Les mariages de communes urbaines aboutissent très rarement. Par exemple, la fusion entre Boulogne-Billancourt et Issy-les-Moulineaux, annoncée en 2008, est aujourd’hui abandonnée.
Pour quelles raisons les communes se regroupent-elles ?
Les petites communes avancent trois raisons à leur regroupement. Un intérêt financier, car elles peuvent percevoir une dotation budgétaire bonifiée pour les communes de moins de 10 000 habitants. Un bienfait dans la gouvernance, car les maires ruraux ont parfois de grandes difficultés à administrer leur commune. Une nécessité de survie, car l’avenir de leur territoire rural dépend de la coopération des communes sur le long terme. Autant dire qu’une fusion Sceaux – Bourg-la-Reine n’entre manifestement pas dans le schéma prévu des communes nouvelles.
L’identité de notre ville.
Une fusion de Sceaux avec Bourg-la-Reine toucherait à l’identité de notre ville, à l’attachement des habitants à leur commune. Une fusion permettrait peut-être d’en tirer des avantages financiers, à court terme. Mais cela aurait sans aucun doute des conséquences en termes de gouvernance et de démocratie locale. Le pouvoir local s’éloignerait, serait moins lisible. Les services publics perdraient en proximité et peut-être même en efficacité.
Le concept de « taille critique », avancé par notre maire, illustre surtout une conception gestionnaire de notre ville, faisant fi de ce qui fait une cité, un espace public de vie sociale et de sociabilité. De plus, un rapprochement demande impérativement que se construise une vision commune de l’avenir du territoire et qu’apparaisse un projet co-construit et partagé par les citoyens. Ce qui est loin d’être le cas à Sceaux.
« La fusion de nos communes ne peut se faire uniquement parce que deux maires de même tendance politique se rendent compte que des actions communes ponctuelles sont positives pour nos villes », nous fait savoir Christophe Bonazzi, élu de Bourg-la-Reine sur la liste citoyenne « La ville en partage ».
« Il est possible d’imaginer des collaborations plus étroites avec Bourg-la-Reine, sans agiter le chiffon rouge d’une fusion ».
Liliane Wietzerbin, conseillère municipale de Sceaux
Un débat local sur nos liens avec la ville limitrophe ne devrait pas se dérouler dans l’entre soi de deux maires. « Cela fait deux ans que nous discutons de ce rapprochement », a avoué le maire de Sceaux. Deux années qui aboutissent à cette déclaration commune de deux élus à l’avenir politique incertain, sans qu’aucune information, aucun échange n’ait eu lieu dans la ville. La brutalité de l’annonce, la forme qui en fait un projet personnel de deux hommes, laissent mal présager d’un débat démocratique.
La réponse des opposants, qui en appellent à un référendum, n’est pas plus rassurante. Il y a derrière cette demande une stratégie électorale : se saisir de cette question pour mobiliser contre la municipalité actuelle. Le fond du débat n’est pas abordé, c’est l’opportunité politique qui prime. La collaboration avec Bourg-la-Reine ne peut se limiter à un Oui/Non à une fusion.
Les collaborations entre nos communes doivent se renforcer au-delà même de la ville de Bourg-la-Reine
Voilà plus de cinquante ans que nos deux villes travaillent ensemble. Le Conservatoire de musique ou la piscine des Blagis ont longtemps été des équipements communs avant d’être pris en charge par l’intercommunalité Vallée sud-Grand Paris. L’Office HLM Sceaux-Bourg-la-Reine Habitat est un exemple de coopération qui se poursuit aujourd’hui avec notamment le projet d’une maison médicale commune à nos deux villes. Des évènements sont aussi partagés comme le Festival des Transitions. La mutualisation de services municipaux se fait déjà et peut se développer.
« Ses collaborations doivent se poursuivre et se renforcer au-delà même de nos deux villes », explique Liliane Wietzerbin, conseillère municipale de Sceaux. « Pourquoi s’enfermer dans une relation à deux alors que nous appartenons à un territoire, Vallée sud-Grand Paris, de onze communes qui coopèrent ensemble ».
Le projet d’une cuisine centrale pour les écoles de Bourg-la-Reine, Fontenay-aux-Roses, Montrouge et Sceaux, apporte la preuve de collaborations possibles à toutes les échelles du territoire. C’est aussi le cas du projet de géothermie conduit par les syndical intercommunal d’électricité, le Sipperec, pour les communes de Fontenay-aux-Roses, Sceaux et Bourg-la-Reine, dans le cadre du Plan climat de Vallée sud-Grand Paris.
Peut on croire que la fusion au sein d’une institution supra communale résoudrait tous les problèmes
Les projets pour développer les services publics locaux et les initiatives citoyennes ne manquent pas sur notre territoire. Ils peuvent tous être conduits dans le cadre de coopérations. Les difficultés de la gestion locale dans un contexte économique de plus en plus tendu ne doivent pas nous conduire à rechercher des solutions sclérosantes comme la fusion de nos communes. Mais au contraire, il va falloir de la souplesse, de l’inventivité entre tous. Les formes de coopération souples, innovantes sont à rechercher sans faire croire que la création d’une institution supra communale résoudrait tous les problèmes.