Quelles sont les priorités municipales affichées par le budget primitif 2022 de Sceaux ? Pourquoi avoir augmenté les impôts locaux en 2021 ? Le niveau d’endettement est-il anormalement élevé ? Notre analyse didactique du budget 2022.
L’examen du budget 2022 a pu, cette année, se dérouler en présence de tous les élus. Il n’a cependant été adopté que par le seul groupe municipal du maire. Voici une analyse qui en expose les raisons. L’année dernière, tous les élus minoritaires avaient quitté la séance du conseil à 1h du matin dénonçant que l’examen du budget 2021 n’avait pas encore débuté et que les conseils municipaux duraient toute la nuit.
Les caractéristiques du budget de Sceaux
Le budget de la ville de Sceaux est de 72 millions d’euros en 2022, dont 2/3 est affecté aux dépenses de fonctionnement, 1/3 aux dépenses d’investissement. Au regard des villes limitrophes de populations comparables, il ressort que les dépenses de la ville sont particulièrement élevées.
Moyenne en € des dépenses par habitant sur les trois derniers budgets Dépenses de fonctionnement : Sceaux : 2 300 €/h Bourg la Reine : 1 600 €/h Fontenay : 1 500 €/h Dépenses d’investissement : Sceaux : 1 300 €/h Bourg la Reine : 900 €/h Fontenay : 400 €/h
La ville de Sceaux comptait, au 1er janvier 2021, 412 emplois permanents. Un effectif à peu près équivalent aux autres villes similaires
Contexte budgétaire 2022
La politique du gouvernement
Le budget de la ville est fortement dépendant des politiques adoptées par le gouvernement. Cette année, comme l’an passé, la ville est affectée par :
- la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour la neuvième année consécutive, en raison de l’application du dispositif d’écrêtement et du prélèvement qui en découle pour les villes considérées comme « riches ». Cette nouvelle baisse de la DGF représentera une perte de l’ordre 64 000€ en 2022, qui fait suite à une perte de 92 000 € en 2021. Au total, la diminution de la DGF a été de 400 000€ depuis 2017.
- les dépenses de personnel dues à des mesures nationales notamment de reclassements indiciaires. Pour Sceaux les dépenses de personnel progressent mécaniquement d’environ 5% par rapport à 2021.
- la suppression totale de la taxe d’habitation comme impôt local et remplacé par une compensation inférieure de l’Etat. Pour Sceaux, cela représente une perte de l’ordre de 730 000 € de recettes / an pour la ville dès 2020.
La mauvaise réforme de la Taxe d’habitation (TH) imposée par les gouvernements Macron. Le gouvernement a décidé de supprimer la TH et de la remplacer par une dotation de l’État versée aux communes. A Sceaux, aujourd’hui près de 57% des habitants ne payent plus la TH et plus aucun habitant ne la payera en 2023. Si la taxe d'habitation diminue de manière progressive pour les Scéens, la commune a perdu, elle, 100% du produit de la taxe d’habitation dès 2021. Elle est remplacée par une dotation fixe et d'un niveau inférieur à celui à compenser, parce que basé sur les recettes 2017 et non 2020. Dorénavant, la fiscalité locale reposera uniquement sur les propriétaires au travers de la taxe foncière. C'est sur cette base que la ville a justifié la hausse de la taxe foncière décidée en 2021.
L’intercommunalité
Sceaux appartient à la Métropole du Grand Paris (MGP) et de nombreuses compétences sont prises en charge par l’Établissement public territorial (EPT) Vallée Sud –Grand Paris qui regroupe les 11 communes.
La création de la MGP et de l’EPT n’a pas d’impact financier négatif pour la commune. L’EPT mutualise des compétences (eau et assainissement, gestion des déchets, développement économique, équipements culturels et sportifs, transports locaux, plan local d’urbanisme et aménagement, etc.) et dispose de recettes propres notamment la contribution sur les entreprises, plus nombreuses dans les autres communes qu’à Sceaux.
La ville participe aux mécanismes de solidarité territoriale entre communes riches et pauvres – ce qui conduit en pratique à une diminution de la DGF (voir ci-dessus). Sceaux est considérée comme une ville riche, le revenu moyen par habitant y est l’un des plus élevés en France.
Quels sont les choix budgétaires de la majorité municipale ?
Face à des recettes en forte baisse en raison du manque à gagner dû à la réforme de la TH, aux dotations de l’État qui décroissent encore et à l’augmentation mécanique des frais de personnel de la ville, la majorité municipale fait des choix contestables.
- Pas d’économie prévue
Les dépenses de fonctionnement seront ainsi en hausse de 3% par rapport à 2021, un peu supérieure à l’inflation.
Les dépenses de fonctionnement sont maintenues à un haut niveau et des dépenses nouvelles ont été décidées. Certaines d’entre elles sont inefficaces, comme celles relatives à la vidéosurveillance. Par ailleurs, des dépenses pourraient être évitées, comme les dépenses d’électricité si une politique de sobriété pour l’éclairage public était enfin décidée ou le coût des opérations du type « parlons ensemble des Blagis », qui n’ont pas permis une réelle intégration des attentes des citoyens dans la « feuille de route » pour le quartier.
Les dépenses d’investissements resteront elles aussi importantes, à un niveau équivalent à celui des années précédentes après le pic d’investissement de 2018 et 2019. Le centre-ville, avec notamment le lancement du projet d’extension du centre ville (2 millions d’euros en 2022) et la restauration de l’église (1,6 millions d’euros en 2022), restent prioritaires. Les travaux d’entretien et de voirie resteront importants avec l’enfouissement des réseaux électriques et d’éclairage public (pour un total de 1,3 millions).
- Maintien du taux de la taxe sur le foncier bâti
Pour trouver des recettes nouvelles, la majorité municipale a décidé en 2021 d’augmenter le taux de la taxe foncière bâtie, porté à 33,52%, en hausse de + 4,9% par rapport à 2020. Le produit supplémentaire était destiné à compenser les pertes liées à la suppression de la taxe d’habitation. Le taux est maintenu stable en 2022.
- Une dette très importante qui ne va pas diminuer
En 2022, la ville ne prévoit pas de diminuer de manière significative l’encours de sa dette, particulièrement élevé.
Au 1er janvier 2022, l’encours de la dette à long terme (> 2 ans) s’élève à 52 millions d’€ , en légère baisse par rapport à 2021 – soit une dette par habitant de 2 600 €, à comparer à celle de Bourg-la-Reine 1 300€/h ou de Fontenay-aux-Roses : 1 000 €/h. Le montant des intérêts annuels n’est pas négligeable : 1,1 million d’euros en 2021. S’il est en diminution en raison de la baisse des taux, un risque subsiste avec cet encours particulièrement important dont la moitié est à taux variable.
Les principales dépenses d'investissement de la ville en 2022, reflet de la politique municipale 1 - Le projet Centre ville = 2 millions d'euros 2 - L’église et la place en centre ville = 1,6 millions d’euros 3 - La voirie et l'enfouissement des réseaux = 1,3 millions d'euros 4 - Les intérêts annuels de la dette = 1,1 million d’euros
D’autres choix budgétaires s’imposent
Faire mieux avec moins
D’autres choix budgétaires sont nécessaires mais cela implique une nouvelle approche de la gestion locale : faire mieux en dépensant moins, c’est possible dans bien des cas.
Les dépenses inutiles doivent cesser (voir ci-dessus) et lorsque travaux et grands projets sont décidés, ils doivent servir une vraie ambition écologique et ne pas se contenter du minimum réglementaire ; de même s’il est normal d’attribuer des subventions aux association Scéennes, elles doivent l’être à travers des priorités clairement établies et être valorisées au profit de tous. Ainsi, 45 000 euros des subventions prévues en 2022 n’ont pas été allouées : il est essentiel qu’elles puissent être redistribuées, par exemple vers de l’accompagnement social et scolaire. Les aides doivent en priorité permettre un rééquilibrage des moyens envers les populations et les quartiers qui en ont le plus besoin.
Rendre plus démocratique et plus transparents les choix budgétaires
Le budget participatif de Sceaux est doté d’un montant très bas en regard de ce qui se pratique dans d’autres villes (50 000 €, 0,1% du budget de la ville). Le retour établi sur les premières éditions démontre un essoufflement. Par ailleurs, le calendrier pour l’édition 2022 a été particulièrement défavorable (dépôt des dossiers durant la période des fêtes du Nouvel an). Il est nécessaire que le Budget participatif soit plus ambitieux : que la ville ose tripler le budget et élargir son champ d’action à des thématiques comme la solidarité !
Par ailleurs, les Scéens doivent pouvoir participer au choix des investissements importants. La ville de Paris s’est, par exemple, engagée à décider de 25% de ses investissements via un processus participatif : c’est possible aussi à Sceaux.
Enfin, il est important que les habitants soit pleinement informés des choix établis par leur ville vis des dépenses effectuées en cohérence avec les objectifs de transition écologique. Il est proposé de faire apparaitre un budget « vert », consacré à ces dépenses, qui pourra être sanctuarisé.